[Dossier santé mentale] L’électroencéphalographie à haute-densité au service d’une approche personnalisée de la psychiatrie

Chercheur en neurosciences, Mahmoud Hassan a travaillé 10 ans dans la recherche où il a acquis une grande expertise de l’électroencéphalographie à haute-densité (EEG-HD) et du traitement des données. Convaincu par le potentiel de l’EEG pour mieux comprendre, diagnostiquer et prédire les maladies du cerveau, il a fondé la startup MINDIG. L’objectif principal de MINDIG est d’aider la recherche, notamment les chercheurs, cliniciens, psychiatres et industries pharmaceutiques, à utiliser l’EEG de manière optimale, de la conception des études jusqu’à la valorisation des résultats.

Interview de Mahmoud Hassan, co-fondateur de Mindig

Pourquoi avoir choisi de vous spécialiser dans l’EEG et qu’apporte-t-il par rapport à d’autres techniques comme l’IRM ?

L’EEG est un examen non invasif (casque posé sur la tête du patient) qui permet de mesurer et d’enregistrer l’activité électrique du cerveau. C’est une technique qui offre des avantages considérables. Contrairement à l’IRM fonctionnelle, qui est coûteuse et difficile à déployer à grande échelle, l’EEG est accessible, portable et moins chère. L’EEG permet de suivre les signaux cérébraux à l’échelle de la milliseconde et de mieux cerner les mécanismes sous-jacents aux maladies neurologiques et psychiatriques. Les données de l’EEG sont cependant complexes à analyser, et c’est en cela que MINDIG apporte son savoir-faire aux chercheurs.

L’EEG existe depuis un siècle. Quelles évolutions et applications récentes peut-on observer ?

Vous avez raison, l’EEG est utilisé depuis plus de 100 ans, principalement pour diagnostiquer l’épilepsie, car les crises peuvent être identifiées directement sur le signal. Mais ces dernières années, et avec les avancées en matière d’électronique mais surtout grâce aux capacités computationnelles actuelles, l’EEG a trouvé des applications plus larges, notamment dans l’étude de maladies neurodégénératives comme Parkinson, Alzheimer ou divers troubles psychiatriques.
Avec l’EEG nous cherchons à identifier des biomarqueurs dans l’activité cérébrale des patients, car nous savons maintenant que l’activité électrique varie selon les pathologies. Ces biomarqueurs sont essentiels pour améliorer notre compréhension des maladies et finalement affiner leur diagnostic et leur prise en charge.

Pourquoi est-il si incontournable d’utiliser la neuroimagerie en psychiatrie aujourd’hui ?

Actuellement, le diagnostic en psychiatrie repose encore beaucoup sur des questionnaires et des scores, ce qui entraîne un nombre significatif de diagnostics tardifs, imprécis ou manqués. C’est une préoccupation majeure de notre époque. La neuroimagerie, comme l’EEG-HD, nous permettra de dépasser ces limites et de proposer des solutions plus précises et basées sur le profil neurologique des patients. Cette personnalisation est cruciale, car la réponse aux traitements (médicamenteux ou non) varie énormément d’une personne à l’autre.

MINDIG travaille donc sur une approche plus personnalisée de la psychiatrie. Comment cela se traduit-il concrètement ?

Chez MINDIG, nous nous concentrons sur l’analyse des réseaux fonctionnels du cerveau – tels que ceux impliqués dans l’attention, la mémoire et les réseaux cérébraux sensoriels – qui peuvent être dégradés lorsqu’un patient présente des troubles neurologiques ou psychiatriques. Nous utilisons de l’EEG haute densité (dite EEG-HD), avec plus de 128 électrodes posées sur la tête des patients, pour obtenir des données encore plus riches. Ces données sont analysées à l’aide de méthodes de traitement avancées telles que le clustering non supervisé et le développement de modèles dits “normatifs”. L’objectif de cette approche, une fois validée, est de stratifier les patients en fonction de leurs profils biologiques afin d’améliorer l’efficacité des traitements, qu’ils soient médicamenteux ou non.

MINDIG est impliqué dans un projet d’envergure sur la psychiatrie de précision. Pouvez-vous nous en parler ?

Nous participons à un projet ambitieux, le programme PEPR-PROPSY, porté par le Prof. Marion Leboyer, financé par France 2030, qui vise à développer la psychiatrie de précision. Ce projet commencera début 2025 pour une durée de cinq ans et implique la collecte de multiples types de données (EEG-HD, IRM, génétiques, biologiques, etc.) sur plusieurs centres en France pour créer la première cohorte française dédiée aux maladies mentales et psychiatriques. En collaborant avec nos collègues psychiatres, Dr. Aline Lefebvre (coordinatrice du projet EEG-MIND) et Dr. Anton Iftimovici, notre rôle dans le projet sera d’apporter notre expertise sur l’EEG-HD : choisir les bons équipements, définir les tâches à réaliser par les patients dans le cadre des études, coordonner la collecte des données au niveau national et développer des outils d’IA pour identifier des biomarqueurs spécifiques.

Ce qui est particulièrement passionnant dans le projet, c’est la possibilité de réévaluer la définition des maladies psychiatriques en comparant les données issues de différents troubles. Cela pourrait permettre de découvrir des points communs et des distinctions inattendus. L’intégration de l’EEG en psychiatrie promet d’identifier des biomarqueurs fonctionnels au-delà des diagnostics actuels, facilitant des interventions cliniques personnalisées.

Publié le 19/11/2024

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