Rencontre avec Stéphane Tarrade, chargé de projets « Transformation des biomasses » chez Biotech Santé Bretagne.
La région Bretagne regorge de ressources organiques naturelles ou issues des industries de production. Ces ressources, aussi nommées biomasses, trouvent des terrains de valorisation insoupçonnés. Stéphane nous décrypte le sujet...
Stéphane, peux-tu nous expliquer ce qu’on désigne par le terme biomasses ?
Le terme biomasses désigne l’ensemble de la matière organique d’origine végétale, animale et microbienne issue du milieu terrestre, aquatique ou marin. Il inclut à la fois les ressources naturelles brutes, comme le bois ou les fruits et légumes ; les produits transformés, comme les planches ou le pain, mais également les co-produits générés, comme la sciure ou les drêches, ainsi que les déchets organiques.
Cependant, la biomasse disponible pour la valorisation doit respecter les principes de hiérarchie des usages. Autrement dit, on ne doit pas détourner les biomasses que j’appellerai « nobles », destinées à l’alimentation par exemple. On va plutôt se focaliser sur des biomasses sous-exploitées ou sous-valorisées, comme les co-produits.
La Bretagne regorge de gisements naturels mais aussi de co-produits industriels. Peux-tu nous détailler de quelles matières il s’agit ?
On entend souvent que la Bretagne est le garde-manger de la France, on va donc trouver :
- Des gisements issus de sa production agricole (comme les résidus de cultures, les écarts de tri, les substrats de culture, les produits d’éclaircissage, les produits de taille arboricole ou encore les effluents d’élevage) ;
- Des gisements aquatiques (les algues et les micro-algues, les plantes aquatiques, les co-produits de la pêche ou encore les co-produits d’aquaculture et de conchyliculture) ;
- Les co-produits des industries agroalimentaires, où l’on retrouve des co-produits d’origine végétale (les pelures, pépins ou noyaux de fruits et légumes, les enveloppes de céréales), mais aussi des co-produits d’origine animale (les plumes, la laine, les écailles, les os, les arêtes, etc.).
Mais en Bretagne, on peut également retrouver des biomasses d’origine forestière ou issues de l’industrie du bois (écorces, sciures, plaquettes de bois, palettes usagées, entretien des bocages…).
Les gisements de biomasses régionaux sont donc riches et très diversifiés.
Quels sont les marchés intéressés par ces biomasses ?
Même si les filières ne sont pas toutes mises en place, les biomasses sont très prisées et de plus en plus recherchées, notamment pour répondre à la demande croissante en énergies renouvelables par l’intermédiaire de chaufferies ou de méthaniseurs.
Cependant, pour éviter les conflits d’usage, la valorisation des biomasses doit respecter le principe de hiérarchisation, priorisant successivement cinq axes : l’alimentation, le retour au sol, la valorisation de la matière, la chimie, et enfin l’énergie. Ces axes regroupent plusieurs marchés sur lesquels Biotech Santé Bretagne est positionné, à savoir : l’agro-industrie, l’éco-industrie, la nutrition-santé, la biotech pharma et la cosmétique.
Quelles sont les principales techniques de valorisation des biomasses ?
Il existe différentes techniques de valorisation des biomasses.
La plus simple, si j’ose dire, est d’utiliser la matière brute ou nécessitant peu de transformation pour obtenir un nouveau produit. Par exemple, on peut utiliser des fruits et légumes non commercialisables pour en faire des jus ou des soupes, utiliser les pépins ou noyaux pour en extraire de l’huile, ou encore incorporer des broyats de coquillages dans des céramiques.
On peut également extraire des molécules d’intérêt, souvent à forte valeur ajoutée (pigments, huiles essentielles, polyphénols, protéines, polysaccharides…), en ayant recours à différents procédés d’éco-extraction physique/mécanique (ultrasons, micro-ondes, haute pression, flash-détente…), biologique (par des voies enzymatiques) ou chimique (avec des solvants/gaz de plus en plus verts tels que l’éthanol, l’eau subcritique ou le CO₂ supercritique).
Le procédé de bio-conversion, quant à lui, utilise les biomasses comme substrat pour produire différentes molécules ou produits grâce à des micro-organismes et des enzymes. Pour imager, c’est le principe de la transformation du lait en yaourt ou du sucre en alcool.
Mais, on peut citer également le cracking utilisé en bioraffinerie, ou de nombreux autres procédés.
Peux-tu nous donner des exemples concrets en Bretagne ?
Il est vrai que l’écosystème breton regorge de structures impliquées dans la valorisation des biomasses locales, en voici quelques exemples :
Algaia extrait des alginates et des carraghénanes à partir d’algues, utilisés comme texturants dans les industries agroalimentaires. Terremo’logic et Agwi valorisent les coquilles d’œufs sur le marché agricole comme amendement calcaire ou produit pour la nutrition des plantes. Abyss Ingrédients réalise, à partir de co-produits marins, des ingrédients destinés au marché de la nutrition-santé, tout comme BCF Life Sciences avec ses acides aminés issus de plumes de volaille. Sur le marché cosmétique, Extr’Apple produit de l’huile à partir de pépins de pommes, Odycéa propose un actif issu de résidus de taille de bruyère, Newonat réalise des extraits végétaux via le CO₂ supercritique. Dans le domaine de l’éco-industrie, Algo Paint incorpore des broyats de coquillages dans ses formulations, tandis que des panneaux isolants sont fabriqué à partir de miscanthus par Kellig Emren, ou de byssus de moules par Bysco. Enfin, Surfact’Green se positionne sur le marché de la chimie verte avec ses tensioactifs issus de biomasses végétales.
Toutes ces structures montrent que le territoire est vraiment dynamique en termes de valorisation des biomasses, de bioéconomie et de transition écologique.
Les laboratoires académiques et centres techniques ont leur rôle à jouer dans la valorisation des biomasses, comment ?
Les laboratoires académiques et les centres techniques ont un rôle complémentaire dans la valorisation des biomasses. Les premiers caractérisent les biomasses, identifient leurs composés d’intérêt, et explorent des pistes de valorisation. Les seconds se concentrent sur l’approche technique, le transfert d’échelle et la faisabilité industrielle. Cela permet d’apporter une expertise scientifique et technique qui peut également bénéficier aux entreprises dans le cadre de projets collaboratifs.
Peux-tu nous expliquer comment Biotech Santé Bretagne accompagne ses adhérents pour des projets de valorisation de leurs biomasses ?
Biotech Santé Bretagne accompagne les projets dès leur phase d’émergence, que ce soit par des échanges, un challenge des idées, ou un accès à une veille scientifique, technologique et réglementaire.
Lors du montage du projet, BSB propose une expertise technique, identifie les partenaires et prestataires, et aide à rechercher des financements. Une fois le projet engagé, nous suivons son avancement jusqu’à sa clôture tout en mettant en avant les résultats obtenus.
De plus, cet accompagnement s’applique aussi bien à des projets territoriaux et régionaux qu’à des initiatives de dimension nationale ou européenne.
Pour conclure, en quoi la valorisation des biomasses répond-elle aux enjeux de transition écologique et industrielle en Bretagne ?
Les initiatives de valorisation des biomasses permettent de réduire la quantité de déchets organiques et la dépendance aux ressources fossiles, grâce à des alternatives renouvelables. Elles contribuent à diminuer l’impact environnemental tout en favorisant l’économie circulaire et les filières bioéconomiques.
Ces projets s’intègrent dans les objectifs de développement durable (ODD) de l’agenda France 2030. La Bretagne est particulièrement dynamique grâce à sa stratégie régionale de recherche et d’innovation, quand on sait que quatre de ses cinq « Domaines d’Innovation Stratégique » peuvent soutenir des projets de valorisation des biomasses.
💡 Vous avez un projet de valorisation de biomasses ? Vous recherchez une expertise ou un partenaire ? Contactez Stéphane Tarrade > stephane@biotech-sante-bretagne.fr
Publié le 20/01/2025