La valorisation des déchets et des coproduits pour les industriels est un enjeu économique et environnemental majeur qui ne cesse de s’amplifier. Les entreprises cherchent en permanence la meilleure voie de valorisation possible pour leurs coproduits. A l’occasion du CFIA 2025, événement de référence pour l’industrie agroalimentaire, Biotech Santé Bretagne organisait une table ronde dédiée à la transformation des co-produits.
Lors de cette rencontre Stéphane Tarrade, chargé de projets chez Biotech Santé Bretagne, a présenté les outils d’identification des gisements de co-produits. Charles Delannoy (Procidys) a apporté un éclairage sur les processus de transformation des co-produits en ingrédients ou actifs pour différents marchés (alimentation, nutraceutique, cosmétique…). Alexandre Francin (cabinet O2M) a conclu l’échange en partageant son expertise sur l’évaluation de l’impact environnemental dans le cadre de la valorisation de co-produits.

Qu’est-ce qu’un coproduit ?
La production de produits dits principaux génère des matières secondaires, appelées coproduits, sous-produits ou déchets selon leur statut réglementaire ou le vocabulaire employé par les filières. Certaines de ces matières secondaires ont des usages identifiés pouvant permettre d’engendrer des gains aux niveaux économique, environnemental ou social.
Des gisements de biomasses facilement identifiables en région Bretagne
Le schéma régional des biomasses de la Région Bretagne répertorie les grandes catégories d’industries productrices de biomasses et donc de co-produits valorisables.
« Des gisements issus de la production agricole (comme les résidus de cultures, les écarts de tri, les substrats de culture, les produits d’éclaircissage, les produits de taille arboricole ou encore les effluents d’élevage) ; Des gisements aquatiques (les algues et les micro-algues, les plantes aquatiques, les co-produits de la pêche ou encore les co-produits d’aquaculture et de conchyliculture) ; Les co-produits des industries agroalimentaires, où l’on retrouve des co-produits d’origine végétale (les pelures, pépins ou noyaux de fruits et légumes, les enveloppes de céréales), mais aussi des co-produits d’origine animale (les plumes, la laine, les écailles, les os, les arêtes, etc.). On peut également retrouver en Bretagne des biomasses d’origine forestière ou issues de l’industrie du bois (écorces, sciures, plaquettes de bois, palettes usagées, entretien des bocages…). »
Stéphane Tarrade, chargé de projets Transformation des biomasses chez Biotech Santé Bretagne
Des outils en ligne référencent ces biomasses, on peut par exemple retrouver les gisements disponibles provenant de l’industrie agro-alimentaire ou les sous-produits coquillers recensés par l’Observatoire National des Ressources en Biomasses. Ils sont disponibles sur l’interface VISIONet de FranceAgriMer. La cartothèque de l’Observatoire de l’Environnement en Bretagne est aussi une source intéressante d’information. L’identification des acteurs producteurs de biomasses peut également se faire grâce à la cartographie de la Bretagne agroalimentaire (BDI/ Craft).
« Les biomasses sont très prisées et de plus en plus recherchées, notamment pour répondre à la demande croissante en énergies renouvelables par l’intermédiaire de chaufferies ou de méthaniseurs. Attention cependant à éviter les conflits d’usage, la valorisation des biomasses doit respecter le principe de hiérarchisation, priorisant successivement cinq axes : l’alimentation, le retour au sol, la valorisation de la matière, la chimie, et enfin l’énergie. »
Stéphane Tarrade, chargé de projets Transformation des biomasses chez Biotech Santé Bretagne

Transformer les coproduits en ingrédients et extraits à valeur ajoutée
La valorisation des coproduits en ingrédients et extraits destinés à divers marchés repose sur une analyse approfondie des ressources disponibles et de leur potentiel économique. Ce processus implique plusieurs étapes essentielles, de l’étude initiale des volumes de matières jusqu’à la mise en production industrielle.
La première étape consiste à analyser la ressource et son volume. Il est indispensable de disposer d’un gisement suffisant afin d’atteindre un seuil critique de rentabilité. Cette étape est complétée par une évaluation logistique : définition du périmètre de collecte, estimation des coûts de transport et prise en compte des contraintes réglementaires, notamment pour les coproduits d’origine animale.
« Développer un nouvel ingrédient à partir de coproduits est un processus long : il faut en moyenne trois ans entre la découverte d’une ressource et sa mise en production industrielle. Il est donc primordial de connaître les tendances du marché et l’évolution des prix sur au moins cinq ans, ainsi que les avantages concurrentiels que le produit pourra offrir. »
Charles Delannoy, Procidys

Les technologies de transformation des co-produits
La transformation des coproduits en ingrédients repose sur plusieurs procédés technologiques, parmi lesquels :
- L’extraction par hydrolyse enzymatique, permettant d’isoler certaines molécules à haute valeur ajoutée ;
- Les techniques de cuisson, pressage et séchage, utilisées pour la production d’aliments déshydratés ;
- L’extraction des protéines qui permet d’obtenir des fractions riches en protéines utilisables dans l’alimentation ou les compléments nutritionnels.
Avant d’atteindre l’industrialisation, une phase de laboratoire et de pilote est indispensable pour préparer le passage à une production à grande échelle (scale-up industriel).
La transformation des co-produits : un enjeu environnemental
La transformation des coproduits ne répond pas seulement à des considérations économiques, elle s’inscrit aussi dans une démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). La valorisation optimale des matières premières permet de réduire le gaspillage et d’inscrire la production dans une logique de développement durable, un atout marketing de plus en plus prisé par les consommateurs.
La bioraffinerie : une approche globale de la valorisation
Le concept de bioraffinerie repose sur une approche systématique de fractionnement et de séparation des composants des coproduits. Il s’agit d’extraire des molécules à forte valeur ajoutée destinées à des marchés porteurs comme la santé ou la cosmétique, tout en exploitant les fractions restantes pour des usages à plus faible valeur, tels que l’alimentation animale. L’objectif est de maximiser l’utilisation de la ressource et de minimiser les pertes, contribuant ainsi à une économie plus circulaire et efficiente.
Mesurer l’empreinte environnementale des coproduits
La mesure de l’empreinte environnementale des coproduits repose sur une approche rigoureuse d’analyse du cycle de vie (ACV). Cet outil de référence permet d’évaluer l’impact environnemental d’un produit tout au long de son cycle de vie, en prenant en compte plusieurs paramètres essentiels.

« L’ACV est utilisée dans trois grands contextes : comprendre la chaîne de causalité de l’empreinte environnementale d’un produit afin d’identifier les sources majeures d’impacts ; comparer les alternatives, pour choisir la solution la plus vertueuse sur le plan environnemental ; communiquer sur l’empreinte environnementale, en fournissant des données objectives aux parties prenantes. L’un des objectifs fondamentaux de l’ACV est d’éviter les transferts d’impact, c’est-à-dire de déplacer la pollution d’un maillon à un autre sans réduction globale. »
Alexandre Francin, Directeur technique chez O2M
Alexandra Francin a proposé quelques exemples concrets :
- Barquette biosourcée : son impact environnemental final dépendra de sa capacité à être recyclée.
- Protéine animale issue d’insectes : cette source de protéines devient plus intéressante si les insectes sont nourris avec des coproduits.
- Substitution d’ingrédients : remplacer l’amande, très gourmande en eau, par de la farine de marc de pomme localement disponible peut réduire l’impact environnemental. Toutefois, cela peut entraîner des ajustements, comme une augmentation du sucre dans la recette finale.
Attention aux enjeux de la compétition des usages et aux « fausses bonnes idées »
L’ACV permet aussi d’aborder une question centrale : la compétition des usages. Il est essentiel d’analyser et de comparer différents scénarios d’utilisation d’une ressource pour déterminer l’option la plus durable.
Lors de l’analyse environnementale des coproduits, certaines idées peuvent paraître pertinentes mais s’avérer contre-productives. Par exemple :
- Si une ressource est trop éloignée de son lieu de valorisation, son transport peut annuler les bénéfices environnementaux.
- Une valorisation n’a de sens que si son bilan énergétique reste favorable. Une transformation trop coûteuse en énergie peut s’avérer inefficace sur le plan environnemental.
D’où l’intérêt de développer des filières locales et optimisées afin de maximiser l’intérêt écologique des coproduits.
💡 Vous avez un projet de valorisation de vos biomasses ou coproduits ? Contactez Stéphane Tarrade, chargé de projets Transformation des biomasses [stephane@biotech-sante-bretagne.fr]
Publié le 11/03/2025