La startup Emobot, issue d’une équipe de recherche de l’école d’ingénieurs CentraleSupelec, propose une solution innovante de suivi en continu des troubles de l’humeur par l’Intelligence Artificielle. Incubée par l’accélérateur de l’université de Berkeley, en Californie, la startup promet de redonner du pouvoir aux patients, d’aider au diagnostic et d’accompagner les soins. Elle propose en outre un nouveau « secondary endpoint » permettant de monitorer l’humeur des patients dans les études cliniques sponsorisées par l’industrie pharmaceutique et d’améliorer l’adhérence dans le parcours de soin des maladies psychiatriques telles que la dépression, la schizophrénie ou la bipolarité.
Rencontre avec Renaud Séguier, Professeur à CentraleSupelec et co-fondateur d’Emobot
Pouvez-vous nous présenter l’équipe de recherche AIMAC derrière Emobot ?
L’équipe AIMAC, basée à CentraleSupélec (campus de Rennes), est spécialisée dans l’analyse des émotions multimodales grâce à l’intelligence artificielle. Emobot est la quatrième start-up issue de nos travaux. Elle a été créée par trois élèves de CentraleSupélec, auxquels je me suis joint en tant que co-fondateur et conseiller scientifique.
Quelle innovation propose Emobot pour monitorer la santé mentale des patients ?
Emobot se concentre principalement sur la détection de la sévérité de la dépression, mais pas uniquement. Sa technologie repose sur l’analyse des expressions faciales via une webcam, qu’il s’agisse d’un téléphone ou d’un ordinateur portable. Cela permet un monitoring continu, objectif, passif et écologique, c’est-à-dire en conditions réelles. Contrairement aux questionnaires traditionnels, souvent biaisés par la subjectivité, notre outil fournit des données plus fiables sur l’état émotionnel du patient.
Concrètement, comment fonctionne Emobot ?
Chaque jour, la webcam enregistre et analyse les émotions du patient, créant une carte émotionnelle individuelle en temps réel. Une personne en bonne santé présente un éventail varié d’émotions, alors qu’un tonus émotionnel réduit peut indiquer un trouble mental. Grâce à ce suivi, nous observons l’évolution de l’état émotionnel dans le temps et pouvons même anticiper certaines crises, comme des épisodes maniaques en cas de bipolarité.
Quels types de troubles psychiatriques peut-on détecter avec Emobot ?
Outre la dépression, Emobot peut détecter les troubles bipolaires, l’anxiété et même des signaux associés à la schizophrénie. Nous travaillons également avec une université allemande pour intégrer une thérapie digitale directement dans l’application, rendant l’outil encore plus complet.
Quels bénéfices concrets apporte cette technologie aux patients ?
Pour les patients dépressifs, par exemple, Emobot leur permet de visualiser les effets positifs de leur traitement. Cela les motive à poursuivre leur médication, souvent abandonnée faute de ressenti immédiat. C’est ce que nous appelons le patient empowerment : redonner au patient du pouvoir sur son parcours de soins.
Où en est Emobot en termes de développement et d’accès ?
L’outil est déjà disponible pour les entreprises pharmaceutiques dans le cadre d’études cliniques. Les psychiatres peuvent également prescrire la partie thérapie digitale avec l’auto-suivi. Cependant, l’outil n’est pas encore utilisable pour le suivi direct des patients ou l’aide au diagnostic. Une étude clinique, dont le centre hospitalier Guillaume Régnier (Rennes) est l’un des établissements investigateurs, est en cours en France pour obtenir le marquage CE de classe 2A et, à terme, permettre un remboursement par la Sécurité sociale.
Qu’en est-il des aspects éthiques et des données personnelles ?
La protection des données est une priorité. Les images des visages sont traitées en temps réel, mais ne sont ni stockées ni associées à des informations personnelles. Nous avons également mené une étude d’acceptabilité dans des EHPAD, et 80 % des participants ont bien accueilli la solution, notamment grâce à une explication claire de son fonctionnement.
Qu’est-ce qui distingue Emobot de ses concurrents ?
Alors que d’autres solutions se concentrent principalement sur l’analyse de la voix, nous nous démarquons par notre capacité à analyser les émotions via les expressions faciales de façon passive sans intervention du patient. Cette spécificité nous ouvre des perspectives uniques pour améliorer le diagnostic et le suivi des troubles mentaux.
Notre ambition est de faire d’Emobot un outil incontournable pour les professionnels de santé, accessible à tous, et remboursé par la Sécurité sociale. Nous espérons ainsi contribuer à améliorer la prise en charge et le suivi des patients souffrant de troubles mentaux, tout en favorisant leur autonomie.
En savoir plus : https://www.emobot.fr/
Publié le 21/11/2024