Comme chaque année depuis 8 ans, Biotech Santé Bretagne a soutenu le Groupement d’Intérêt Scientifique « Nutrition-Alimentation-Métabolisme-Sport-Santé » (NAM2S) pour l’organisation de ses rencontres annuelles à Rennes. Cette année, deux thématiques étaient à l’honneur : le microbiote ainsi que les recommandations nutritionnelles et d’activité physique. On retiendra la participation pour la 1ère fois du fondateur du Nutri-Score, le professeur Serge Hercberg et un beau succès en termes d’affluence avec près de 270 participants.
« Les rencontres NAM2S permettent chaque année aux chercheurs académiques et aux industriels de se rencontrer et d’échanger autour de thématiques de recherche portant sur la nutrition et la santé. Cet évènement permet de partager et de diffuser auprès des industriels les dernières données de la science. Les doctorants et jeunes chercheurs y trouvent un espace d’expression pour présenter leurs travaux. Les industriels peuvent aussi y identifier des expertises pour de futures collaborations de R&D. » décrypte Hélène Le Pocher, responsable du développement de la filière santé chez Biotech Santé Bretagne.
Focus sur l’état d’avancement des connaissances sur le microbiote
Lors de ces 8èmes rencontres NAM2S, trois chercheurs se sont succédé pour présenter différentes recherches menées sur le microbiote.
Tout d’abord Hervé Blottière, directeur de recherche INRAE à l’UMR PhAN et à MetaGenoPolis, a présenté un état des lieux des connaissances acquises au cours de la dernière décennie sur le microbiote intestinal : outils de métagénomique utilisés pour caractériser le microbiote, notion de dysbiose et plus encore de symbiose, impact de l’environnement et des 1ères semaines de la vie, liens entre le microbiote et certaines pathologies (cancer, obésité, …), modulation du microbiote, transplantation fécale, etc. La présentation riche d’enseignements a montré que ces nouvelles connaissances ouvraient de nombreuses perspectives en termes d’applications possibles pour la santé humaine.
Latifa Bousarghin, maître de conférences et chercheuse à l’Institut NuMeCan, a ainsi évoqué une de ces perspectives en présentant les résultats de travaux menés sur des bactéries anaérobies du microbiote intestinal. Il s’agissait notamment de Bactéroïdes fragilis et Roseburia intestinalis qui pourraient être considérées comme une source de probiotiques de nouvelle génération intéressante. Bacteroides fragilis pourrait avoir un effet bénéfique en cas d’infections à salmonelles tandis que Roseburia intestinalis semble agir sur la production des hormones intestinales (PYY).
Enfin Catherine Michel, chercheuse INRAE à l’UMR PhAN, a présenté une revue des recherches menées sur la contribution du lait maternel à la colonisation du tube digestif du nouveau-né et son impact sur la santé à court et long termes. Différentes études ont comparé les compositions entre lait maternel et formules infantiles et permis d’identifier les composés d’intérêt. Ce qu’il faut retenir c’est que le lait maternel est un « couteau suisse potentiel pour moduler la colonisation du tube digestif du nouveau-né mais que les effets sont hétérogènes et liés à la fois à sa composition et aux conditions d’allaitement ». Il faudrait définir des lactotypes (profils type en termes de bactéries et composés du lait maternel) et l’impact sur la santé à long terme de l’allaitement reste encore à clarifier.
« Même si de nombreuses études ont déjà été menées sur le microbiote intestinal, celui-ci est loin d’avoir dévoilé tous ses secrets et de nombreux travaux restent encore à mener pour développer des applications concrètes en santé. C’est pourquoi l’INRAE a lancé le projet French Gut afin de cartographier et décrypter les microbiotes intestinaux de 100 000 français. Ce projet inédit de sciences participatives, porté par MetaGenoPolis/INRAE s’inscrit dans une dynamique internationale (le projet MMHP pour le Million Microbiome of Humans Project) et ouvre des perspectives prometteuses pour le développement d’approches innovantes en santé. Avis donc aux volontaires qui souhaitent faire avancer la recherche sur le microbiote ! N’hésitez pas à vous inscrire sur lefrenchgut.fr comme proposé par Hervé Blottière. »
Hélène Le Pocher, responsable du développement de la filière santé chez Biotech Santé Bretagne
Doctorants et jeunes docteurs au rendez-vous !
La 1ère session de la conférence a permis à 11 doctorants ou jeunes docteurs de venir présenter leurs travaux de recherche. Ils ont relevé tous avec brio l’épreuve des pitchs et pu présenter leurs résultats de manière plus détaillée lors de la séquence poster. Cela a permis ainsi aux industriels présents de découvrir la diversité des travaux de recherche menés au sein du GIS NAM2S : rôle des métabolites du lait maternel dans le développement du tube digestif du nouveau-né, rôle de la mitochondrie et identification de nutriments qui favorisent la réparation épithéliale dans la rectocolite hémorragique, effet des premières étapes de digestion sur l’état physiologique du lait maternel, développement de produits laitiers adaptés aux besoins nutritionnels des seniors pour lutter contre la sarcopénie, impact de l’activité physique dans le cancer de la prostate, rôle du microbiote du lait maternel dans la maturation du système immunitaire du nouveau-né, étude des effets des jeux vidéo actifs chez les patients atteints de cancer, régulation du métabolisme du fer sur modèle animal inactif, apport d’un nouvel outil permettant de simuler la digestion, caractérisation du lien entre le microbiome et l’activité physique, rôle des acides gras dans l’induction du cytochrome CYP P450 2E1 impliqué dans l’effet toxique du paracétamol.
« La qualité et la diversité des présentations faites par les doctorants ou jeunes docteurs ont permis aux industriels présents de découvrir un large panel d’expertises mobilisables au sein des équipes membres du GIS NAM2S, pour de futurs projets de R&D collaboratifs. »
Hélène Le Pocher, responsable du développement de la filière santé chez Biotech Santé Bretagne
Les recommandations nutritionnelles et d’activité physique
Comment sont-elles établies, comment les faire appliquer et améliorer leur acceptabilité ? Telles étaient les questions posées aux intervenants de cette session.
Le professeur Serge Hercberg (EREN, Université Sorbonne Paris-Nord et CRESS) qui a développé le Nutri-Score est venu expliquer au public comment et sur quelles bases scientifiques celui-ci avait été construit. Le profil nutritionnel et l’algorithme de classement des aliments sous-tendant le Nutri-Score ont été validés scientifiquement de même que le format graphique. L’impact du Nutri-Score sur la santé a été évalué via des données issues de différentes cohortes : des associations prospectives entre le profil nutritionnel sous-tendant le calcul du Nutri-Score et des critères de santé/mortalité ont été établies dans des études de cohortes.
Serge Hercberg a rappelé que le Nutri-Score était destiné à permettre aux consommateurs de comparer, sur une base relative, la qualité nutritionnelle et non la valeur santé globale (qui intègre d’autres dimensions, comme l’ultra-transformation et la présence d’additifs ou de résidus de pesticides) des aliments qui sont comparables en terme d’usage et que l’on retrouve souvent dans les mêmes rayons de supermarché. Le Nutri-Score vise ainsi à inciter les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs recettes.
Il a conclu en disant que le Nutri-Score n’était qu’un outil qui s’intègrait dans le cadre d’une politique nutritionnelle de santé publique plus globale et qu’il n’était pas figé. Ainsi l’algorithme de classement des aliments sous-tendant le Nutri-Score a été revu à l’été 2022 pour une mise en œuvre en 2023.
Comportements d’achat vis à vis du Nutri-Score
En écho à l’intervention du professeur Herbcerg, Emily Mayer, Directrice Business Insight à l’institut IRI, a présenté les résultats d’une étude qu’IRI a mené sur le comportement d’achat des consommateurs vis-à-vis des recommandations du Nutri-Score. Cette étude a montré que celui-ci avait un véritable impact sur les ventes des produits mais aussi sur la reformulation des recettes proposées par les industriels. Toutefois avec l’inflation le consommateur ne monte plus en gamme dans sa consommation. A noter enfin que les mauvaises notations ne freinent pas le consommateur quand il s’agit de se faire plaisir.
L’activité physique chez les patients âgés ou atteints de cancer
La chercheuse Nathalie André du Centre de Recherches sur la Cognition et l’Apprentissage (CeRCA) a terminé cette session en présentant ses recherches sur l’engagement durable vis à vis de recommandations et plus particulièrement de recommandations en termes d’activité physique prodiguées à des patients atteints de cancer ou des sujets âgés. Dans le cadre d’une étude qu’elle a mené sur l’adhésion à une pratique sportive régulière chez des femmes en phase de rémission d’un cancer du sein, elle a montré que l’engagement dans une pratique d’activité physique dépendait des barrières à l’activité physique plutôt que des variables intentionnelles. Il est important d’insister sur les bénéfices et réduire les barrières facilitent l’engagement. Face à des recommandations en termes d’activité sportive, pour augmenter l’engagement des sujets, il faut un ressenti de bénéfices immédiats et il vaut mieux démarrer par une activité facile, en augmentant progressivement la difficulté et finir, via un système de récompense. L’activité physique possède un potentiel d’amélioration de l’adhésion. Elle peut être adaptée aux intérêts ou motifs antérieurs du participant/patient et en sollicitant l’effort, elle renforce et entretient les mécanismes d’autorégulation de l’action.
« L’adhésion sur du long terme à des recommandations aussi bien nutritionnelles que d’activité physique reste un challenge. Il est donc important de bien comprendre les motivations et les freins à l’engagement à suivre des recommandations, et les travaux très intéressants de Nathalie André ciblant les recommandations en termes d’activité physique apportent déjà quelques réponses ».
Hélène Le Pocher, responsable du développement de la filière santé chez Biotech Santé Bretagne
Les différents scores nutritionnels : de l’appropriation à l’impact pour la santé
La journée s’est terminée par une table ronde sur les différents scores nutritionnels, leur appropriation et leur impact pour la santé. Elle réunissait Pierre Weill (chaire « Aliments et bien manger ») en tant qu’animateur, Maud Daniel Chever (CREM, IGR), Serge Hercberg (EREN), Béatrice de Reynal (Nutrimarketing) et Ronan Thibault (CHU de Rennes).
Au cours de cette table ronde les débats ont porté essentiellement sur le Nutri-Score : certaines réserves ont été soulevées concernant la démonstration de son impact sur la santé ou l’impact dans l’acte d’achat de l’attachement à une marque versus le Nutri-Score. A cette occasion, il a été rappelé que si le Nutri-Score n’est pas parfait, il reste améliorable (volet AGPI) et évolutif. En tous les cas, il permet une plus grande transparence vis-à-vis des consommateurs et a incité bon nombre d’industriels à s’engager dans l’amélioration nutritionnelle de leurs produits.
« J’espère que ces 8èmes rencontres généreront des idées de projets entre chercheurs et industriels au vu de la qualité des différentes interventions et de la richesse des échanges tout au long de la journée . Un grand bravo tout particulièrement aux 11 doctorants ou jeunes docteurs issus des équipes de recherche membres du GIS NAM2S qui ont tous présenté avec brio leurs travaux de recherche ! »
Hélène Le Pocher, responsable du développement de la filière santé chez Biotech Santé Bretagne
💡 Le programme de ces 8èmes rencontres NAM2S a été élaboré par un comité d’organisation composé de : Bruno Clément (NuMeCan), Olivier Loréal (NuMeCan), Ronan Thibault (NuMeCan/ CHU de Rennes), Didier Dupont (INRAE STLO), Amélie Rebillard (Laboratoire M2S), Mathilde Guerville (Lactalis), Benjamin Choque (SODIAAL), Mathieu Guillevic (VALOREX) et Hélène Le Pocher (Biotech Santé Bretagne).
Publié le 22/12/2022