La 10ᵉ édition des Rencontres du Groupement d’Intérêt Scientifique NAM2S s’est tenue le 21 novembre dernier à Rennes. Cet événement a rassemblé près de 150 experts académiques et industriels autour des enjeux de la nutrition, du métabolisme, du sport et de la santé. Le fil rouge de la rencontre cette année mettait à l’honneur les spécificités liées au genre et au métabolisme féminin. Les projets collaboratifs entreprises/ recherches ont également été abordés, mettant en lumière des thématiques scientifiques et des collaborations inspirantes
Une introduction sociologique à l’alimentation
La journée a débuté par l’intervention de Youenn Loheac, enseignant-chercheur à Rennes School of Business. Celui-ci a proposé une analyse sociologique de l’alimentation. Il a souligné que les pratiques alimentaires dépassent les simples besoins physiologiques, étant marquées par des normes et des représentations culturelles. Y. Loheac a notamment abordé la pression exercée sur les femmes pour adopter des régimes spécifiques, ainsi que l’impact de ces dogmes sur la santé.
Les stéréotypes alimentaires ne sont ni totalement vrais ni totalement faux, mais révèlent les constructions sociales qui influencent nos comportements alimentaires. Au-delà de l’aspect biologique, l’alimentation doit être comprise comme un phénomène profondément culturel et social
Cycle menstruel et performance sportive
Laurie-Anne Marquet, docteure en nutrition et physiologie du sport, spécialisée dans l’accompagnement d’athlètes de haut niveau, a abordé l’impact des fluctuations hormonales du cycle menstruel sur la performance sportive. Elle a souligné que les femmes sont souvent sous-représentées dans les études sportives, ne représentant que 35 % des sujets. Le Dr Marquet a détaillé les effets des hormones féminines, comme les œstrogènes et la progestérone, qui influencent la gluconéogenèse, l’oxydation des acides aminés et la dégradation des protéines. “Les performances varient considérablement en fonction des phases du cycle“, a-t-elle expliqué, ajoutant que la période menstruelle, avec ses effets sur la disponibilité en glycogène, nécessite une attention particulière pour optimiser les performances.
“La femme n’est pas un homme comme un autre“
Laurie-Anne Marquet
Elle a également donné des recommandations pratiques : privilégier les omégas-3, les fibres et les antioxydants, tout en évitant les aliments pro-inflammatoires tels que l’alcool et les viandes grasses. En termes d’entraînement, l’adaptation au cycle menstruel semble essentielle, bien que difficile à appliquer systématiquement en raison de la variabilité individuelle. Elle a insisté sur l’importance d’une approche personnalisée pour chaque athlète afin de prévenir les carences énergétiques et optimiser la disponibilité énergétique, notamment pour éviter le syndrome RED-S (déficit énergétique relatif), qui affecte directement les performances. “La femme n’est pas un homme comme un autre“, a-t-elle conclu, rappelant que chaque sportive mérite une prise en charge adaptée à son cycle biologique.
Le projet VIPP : une approche innovante de la gestion du stress par la nutrition
Julie Le Faouder, cheffe de projet R&D chez Abyss Ingredients, et Emmanuelle Com, responsable technique de Protim, ont ouvert la seconde session intitulée “Recherche appliquée en lien avec la nutrition”, en présentant le projet VIPP (Very Important Premium Peptide). Cette initiative collaborative associe Abyss Ingredients et la plateforme Protim de l’Université de Rennes. Le projet explore l’utilisation de co-produits marins pour développer des solutions nutritionnelles visant à réduire le stress, un facteur clé influençant la santé.
Au cœur du projet collaboratif VIPP se trouve Peptidyss®, une solution anti-stress développée par Abyss Ingredients. Ce projet se concentre sur l’identification et la quantification de peptides bioactifs extraits de protéines marines.
Soutenu par des partenaires tels que C.RIS Pharma, Capsularis et IDMer, et financé par le FEDER ainsi que la Région Bretagne, le projet VIPP a démontré l’efficacité de ces peptides dans la gestion du stress, validée par une étude clinique en 2022. Ce projet renforce les compétences en R&D d’Abyss Ingredients et consolide son positionnement en tant que fournisseur d’actifs marins innovants, contribuant ainsi à l’essor du marché des compléments alimentaires.
Évaluation du risque cardiovasculaire chez les femmes : un défi grandissant
Le Dr Caroline Dourmap, cardiologue au CHU de Rennes, a clôturé la session “Métabolisme et nutrition des femmes” en abordant les enjeux de l’évaluation du risque cardiovasculaire chez les femmes. Elle a mis en lumière l’augmentation préoccupante des maladies cardiovasculaires, notamment chez les femmes jeunes, avec des taux d’hospitalisation pour syndrome coronarien en forte hausse depuis 20 ans.
Certaines pathologies, comme le diabète, l’insuffisance rénale et l’hypercholestérolémie, exacerbent ce risque. Les scores SCORE2 et SCORE2-OP permettent d’évaluer ce risque, en tenant compte de paramètres tels que l’âge, le sexe, le tabagisme, le cholestérol et la pression artérielle. Toutefois, ces outils omettent des facteurs cruciaux tels que l’hérédité, l’alimentation et le poids.
Le Dr Dourmap a aussi souligné des facteurs aggravants spécifiques chez les femmes, tels que le tabagisme et la contraception œstroprogestative. Les maladies coronariennes y sont souvent plus graves, avec des symptômes atypiques, retardant le diagnostic. En outre, une étude (ESTEBAN, 2014-2016) a révélé que seulement 53 % des femmes atteignent les recommandations de l’OMS en matière d’activité physique, contre 70 % des hommes, tandis que la sédentarité a progressé de 66 % chez les femmes.
En conclusion, le Dr Dourmap a alerté sur l’évolution défavorable du mode de vie féminin, marquée par la sédentarité et des habitudes alimentaires similaires à celles des hommes. Cette tendance, associée à des particularités hormonales, engendre un retard dans la prise en charge des risques cardiovasculaires, nécessitant une prévention renforcée et une meilleure sensibilisation.
Le projet « ALLAITEMENT » : Optimiser la nutrition dès la naissance par l’enrichissement en oméga-3
Nathalie Kheroas, Présidente de Bleu-Blanc-Cœur, et Ronan Thibault, Professeur des Universités en Nutrition et médecin nutritionniste au CHU de Rennes, ont présenté le projet « ALLAITEMENT » lors de la session “Recherche appliquée en lien avec la nutrition”. Ce projet vise à améliorer la densité nutritionnelle de l’alimentation humaine en repensant les modes de production agricole et alimentaire, notamment pour répondre aux carences en oméga-3.
L’initiative se concentre sur l’amélioration de la nutrition animale, plus riche en oméga-3, afin d’optimiser la qualité des produits consommés par les femmes enceintes et ainsi améliorer la qualité du lait maternel (principalement sur son apport en oméga-3). L’étude clinique explore les bénéfices pour le développement cognitif et la santé de l’enfant allaité, soulignant l’importance d’un équilibre nutritionnel dès la naissance.
Le projet PROLIFIC : Innovation nutritionnelle pour nourrissons et seniors
PROLIFIC, un méta-projet, a été partiellement présenté par Amandine Ligneul (représentante de Bba Milk Valley, Lactalis) et Sarah Blanchet (UMR NuMeCan). Ce projet explore les effets des aliments fermentés sur la nutrition et la santé des nourrissons et des seniors. Son objectif principal est de développer des innovations techniques pour enrichir les formules infantiles en s’inspirant des propriétés du lait maternel, tout en établissant des bases scientifiques pour améliorer les pratiques nutritionnelles et ouvrir de nouvelles perspectives pour la nutrition infantile.
Le projet se distingue par une étude approfondie des métabolites des aliments fermentés et de leur impact sur : le microbiote intestinal, la barrière intestinale, le système immunitaire, ainsi que le cerveau. PROLIFIC, ce sont 5 ans de recherche et 5 thèses de doctorat. Il arrivera à son terme en janvier 2025 et laissera place au projet BIFORES
Table ronde : Montage d’un projet collaboratif
Lors de cette table ronde, les intervenants Mathieu Guillevic (Valorex), Julie Le Faouder (Abyss Ingredients), Emmanuelle Com (Protim), Ronan Thibault (UMR NuMeCan) et Céline Le Stunff (Valorial) ont échangé sur les enjeux de la collaboration dans le cadre de projets innovants.
L’un des points clés soulevés a été l’importance de la collaboration pour aller plus loin grâce à une synergie des compétences et des ressources. Le montage de projets peut nécessiter également un soutien externe, tel que celui de la technopole de Quimper dans le cadre du projet VIPP, comme l’ont illustré Emmanuelle Com et Julie Le Faouder. “Les défis sont nombreux, mais le soutien des structures externes reste fondamental pour surmonter ces obstacles”, a ajouté Emmanuelle Com.
“Seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin”
La question de la propriété intellectuelle a également été abordée. Julie Le Faouder a insisté sur l’importance des “accords de consortium, qui permettent d’éviter des conflits à la fin des projets”. Selon Ronan Thibault, “la confidentialité doit être une priorité dès le début, afin d’éviter les risques liés à l’exploitation des données”.
En conclusion, Mathieu Guillevic a rappelé la maxime suivante : “Seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin”, soulignant la nécessité de la collaboration interentreprises et académique pour mener à bien des projets ambitieux et porteurs d’innovation.
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Publié le 9/12/2024